Voilà quelques années que cet auteur-compositeur navigue de ville en ville pour promouvoir ces ouvrages, qui combinent avec merveille livre et CD, entre aphorismes, graphisme, et envolées musicales ! Rencontre :

As-tu reçu un bon accueil lors de ta dernière dédicace à Saint-Etienne ?
Oui, c’était sympathique. Toutes les semaines, les vendredis-samedis, je vais dans le réseau des librairies à la rencontre des lecteurs. J’aime souvent me mettre devant la librairie, sur le trottoir (c’est mon côté « fille de joie » !) pour rencontrer des gens qui ne rentreraient pas forcément dans la librairie. J’aime le hasard de la rencontre et je prends mes « dédicaces » comme lorsque je faisais du stop, il y a quelques années (rires). Je suis pour un « élitisme de masse » et je revendique dans mes livres leur forme (ludique) d’éducation populaire. Ne jamais oublier qu’il ne faut pas se prendre au sérieux (la vie est trop courte !)

Ton livre CD parle des femmes. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Dans ce livre, je parle des femmes de manière indirecte, c’est plutôt le regard (impuissant) d’un homme sur l’amour, sur la perdition aussi qui s’est imposé à moi. Je me suis rendu compte que mes chansons parlaient souvent de l’amour impossible ou de la perdition des sentiments. Une chanson qui représente bien l’album : « Milena », collage de quelques phrases que Franz Kafka a envoyé à Milena dans sa magnifique correspondance…
De nombreuses lectrices m’ont témoigné leur intérêt de lire ce qu’un homme peut exprimer sur ce thème, l’amour, l’érotisme, et aussi la rupture amoureuse, la perte de l’amour. On a tous vécu ça un jour, non ? Même les vieux garçons vont perdre un jour la femme de leur vie : leur mère !  (rires)

Comment t’inspires-tu généralement, dans un bar en observant les gens, pendant de longues nuits sans sommeil ?
Je ne vais plus souvent dans les bars, ce n’est plus de mon âge ! (rires) et les nuits j’essaie de dormir un peu… Non, écrire des aphorismes demande une patience de sioux  pour capturer au bon moment la pensée qui pointe son nez, avant qu’elle s’évapore à jamais. J’ai toujours un carnet sur moi au cas où, pour noter la fulgurance. J’écris très peu de chansons, une ou deux par an, donc il me faut au moins six ans pour faire un album. J’aime cette lenteur de la création. Je suis un artiste décroissant (rires). Mon rêve, faire un album vinyle avec un seul titre !

On ressent également de multiples influences littéraires. As-tu besoin de te nourrir aussi de la création des autres ?
Oui, je lis beaucoup d’écrits intimes, de correspondances, journaux et essais littéraires comme en ce moment « L’érotique du vin » de Jean-Luc Hennig. Ces lectures m’aident à penser, donc à écrire.

Il y a un gros travail graphique autour des textes, de même que tu orchestres tes chansons. Tu aurais pu faire le choix de textes seuls ?
Le travail graphique est important pour moi, comme aussi la forme « beaux livres ». C’est Norayam Amrouni qui réalise les mises en scènes graphiques depuis mon premier album CD (en 1998) et nous voulons que cette forme soit accessible à tous par son côté ludique. Des aphorismes sur page blanche, quelle tristesse ! Au niveau musical, j’aime le minimalisme. Avec Christophe Nurit, l’arrangeur des chansons et Nicolas Hoste, le réalisateur du CD, nous avons voulu une atmosphère acoustique (violoncelle – clarinette – trompette) et épurée, ce qui demande beaucoup de travail ! Nous avons fait une pré-production deux ans avant l’enregistrement au Chambon – Feugerolles pour bien préparer l’album et son enregistrement en studio.

Pourquoi intégrer un livre et un CD, qui pourraient bien avoir une vie séparément ?
Pour moi, c’est inconcevable de séparer mes chansons de l’univers graphique et aphoristique du livre. Ils se complètent et peuvent même se répondre. De plus, le livre-disque est un objet encore actuel, qui peut s’acheter alors que le CD seul est en train de devenir obsolète. Quand je pense à tout ce travail en studio pour que les chansons finissent sur des baladeurs MP3, quelle tragédie ! (rires)

On imagine cet ensemble comme une  performance lue, chantée, et jouée. Existe-t-il ou souhaites-tu créer un spectacle pour mettre en scène tes compositions ?
Oui, je n’ai jamais arrêté la scène, même si je ne suis pas dans les réseaux « officiels » et reste un marginal de la chanson. J’ai été accueilli en résidence au Fil en juin 2012 où nous avons ébauché un spectacle « électro-graphique » d’une demi-heure avec deux musiciens Florian Allaire (programmations – sax) et Christophe Nurit (trompette – claviers – accordéon) accompagné d’une illustratrice, Axel, qui réalise des animations vidéos graphiques sur grand écran. C’est très beau ! (rires). On cherche une autre résidence pour finir (avis aux programmateurs iconoclastes)…

Aujourd’hui, tu as déjà sorti plusieurs ouvrages via ta propre société d’édition. L’auto-édition n’est pourtant pas un choix évident ?
Depuis 2006 et la sortie du premier livre disque « La forêt des hommes perdus » qui s’est vendu à 3 000  exemplaires, j’ai constitué un réseau d’une soixantaine de librairies indépendantes qui distribuent mes livres et qui m’accueillent avec plaisir une à deux fois par an, de Nevers à Nyons en passant par Grenoble et Aurillac ! Je ne veux surtout pas rentrer dans le système de l’industrie du disque, ni dans celui du livre ! Quelle horreur ! Être peu connu, vendu à échelle humaine, c’est à dire en ma présence, me va bien et je ne rêve pas de grandes scènes avec des milliers de personnes. Je suis un artisan de mon propre travail avec Privé de désert qui attaque sa 7ème année d’existence. Quelques happy few qui apprécient mon travail et je me sens bien à ma place d’artiste confidentiel…

Comment suivre ton actualité ?
Pour découvrir mes livres et savoir où je suis en dédicace deux sites à visiter : www.jeanlenturlu.com et www.mapetitedistribution.com – Un petit aphorisme pour la route (de mon ami Louis Scutenaire) : N’oublions jamais que nos maîtres ont des âmes d’esclave. Au plaisir de vous rencontrer !