Le nouveau film de Brian de Palma est le remake du dernier film réalisé par Alain Corneau, « Crime d’amour », sorti en 2009. Dans cet ultime œuvre, Alain Corneau relatait la dramatique relation entre une femme d’affaires dirigeant une multinationale et l’une de ses subordonnées. Cette dernière, plus jeune, succombait au charme pervers de sa supérieure hiérarchique jusqu’à l’épilogue bouleversant qui voyait un rebondissement tout à fait Hitchcockien. Notons au passage que « Crime d’amour » ne fût pas épargné par la critique lors de sa sortie. Nul doute qu’à l’occasion de ce remake, cette même critique ne manquera pas de rappeler, sans honte, le grand talent d’Alain Corneau et la fierté toute nationale de voir Hollywood s’emparer d’un film de notre répertoire… Cependant, on ne manquera pas ici, parce qu’ici ce n’est pas comme ailleurs, qu’avant A. Corneau, un autre cinéaste s’était intéressé à cette question relation dominé-dominant au sein de l’entreprise. Pour mémoire, je rappellerai donc le film d’un autre éminent cinéaste disparu, Bernard Rapp, « Une affaire de goût » avec Bernard Giraudeau, sorti à l’aube du nouveau siècle.

Dans « Passion », Brian de Palma peut ainsi renouer avec ses obsessions cinématographiques récurrentes, la manipulation, le voyeurisme, la jalousie et l’érotisme. Deux femmes vont se livrer à un jeu de manipulation pervers au sein d’une multinationale. Isabelle est fascinée par sa supérieure, Christine. Cette dernière profite de son ascendant psychologique sur sa cadette pour l’entraîner dans un jeu de séduction et de manipulation, de domination et de servitude. Dans « Une affaire de goût », Bernard Rapp avait eu l’audace de porter ces mêmes thématiques sur une relation homosexuelle. Il est rare que le cinéma associe le monde de l’entreprise, que l’on sait particulièrement machiste, et homosexualité. Or, on sait le réalisateur américain particulièrement attiré par les femmes. Comme il l’avait fait dans « Pulsions » et « Body Bouble », deux incontournables de sa filmographie, Brian de Palma s’amuse à jouer avec l’excitation (mesurée) de ses spectateurs en jouant sur la perversité érotique de ses deux héroïnes. La question étant de savoir, au final, qui manipule qui ? Les cinéphiles remarqueront également le parallèle que l’on peut faire entre « Passion » et « Mulholland Drive » de David Lynch (autre sommet cinématographique de l’érotisme lesbien, fantasme masculin récurrent) autour du jeu de la séduction entre une blonde et une brune. Sauf qu’ici, l’une ne terminera pas le film vivante. Laquelle des deux… ?

Un film de Brian de Palma
Sorti le 13 février