Elle est comme ça, Anaïs, elle aime aller là où on ne l’attend pas, là où le vent (et son intuition) la mène. Rencontre avec l’une des plus talentueuses chanteuses du moment :

Savez-vous que du côté de Marseille, certains se souviennent encore des concerts de Opossum ?
Oui, je sais qu’on avait quelques aficionados, des amis, et des passionnés de musique comme Piirlouit de Live in Marseille… faut dire qu’on était vraiment un groupe de live, bien pêchu 🙂

Que vous reste-t-il de cette période ?
Un sentiment mélangé, chacun a vécu un peu dans son fantasme mais la réalité nous a rattrapé, nous n’avions pas envie des mêmes choses, et notre très forte amitié, et énergie musicale peu commune ensemble n’y pouvait rien, moi j’ai beaucoup souffert de les voir « triturer » mes compos dans tous les sens, chaque morceau finissait toujours par durer 8 minutes…et eux je pense avaient beaucoup de talent, de gnak, et d’envies expérimentales sans pour autant composer pour le groupe….ça a éclaté…. depuis je ne crois plus au groupe « mythique » sans leader, chacun de nous dans Opossum avait trop de personnalité, d’ailleurs nous n’avons pas du tout évolué dans les mêmes circuits par la suite. Opossum a été un instant de magie où ces personnalités tiennent ensemble, encore hésitantes, encore bouillonnantes, nous étions un incroyable bain bouillonnant, et Dieu sait que j’aime les bains! :-).

Avec le recul, comment avez-vous vécu l’énorme succès de « The Cheap show » ?
Je ne suis pas dupe, le cheap show est certes un succès, mais je ne pense pas que j’aurais été aussi connue sans « mon cœur mon amour ». Cela marchait très bien pour moi avant le succès du single, mais je serais probablement restée un peu plus underground sans. Le succès du spectacle m’a néanmoins conforté (et réconforté après l’arrêt très dur d’Opossum), dans le fait que, oui, j’avais ma place, dans la musique, et ma spécificité, et que mon spectacle, ben il fallait de sacrées corrones pour avoir osé le faire 🙂

Vous avez débuté sans maison disque ni tourneur, un mal pour un bien au fond ?
…et même sans manager 🙂 Mais c’était super, extrêmement angoissant de démarcher toute seule, partir sur les routes toute seule, faire ses affiches, mais c’est important de faire marcher son instinct, c’est là qu’on fait les plus belles choses, et mon instinct m’a amené en Bretagne, où j’ai rencontré mon manager, puis à Paris, pour être sûre de ne rater aucune opportunité de concert, et apprendre….j’aime la bidouille, et mettre les mains dans le cambouis, connaître l’envers du décor est très important garder l’humilité, et pour rien au monde, je n’échangerais ma place avec un fils de 😉

Le succès, disque d’or, de « The love album » vous a-t-il rassuré ?
Oui, en même temps, je savais que chaque projet que j’allais faire allait désarçonner, car différent, mais cette rencontre avec dan the automator…et cette pochette!!! Dommage qu’à l’époque je n’ai pas eu plus la possibilité de tirer des vinyles….ce n’était pas encore la mode, j’ai quand même pu faire quelques collectors 🙂

Lors de la sortie de l’album, votre image plus féminine rompait avec celle du 1er album, où vous imitiez Eddy Mitchell ou Linda Lemay. Était-ce nécessaire pour vous ?
C’était naturel. Le Cheap show était un accouchement violent de tout ce que je n’avais pas pu exprimer autrement avant, drôle, humain, mais terriblement poignant, et plus de trois ans de tournée derrière, très très violent, le love album était juste tout ce dont à quoi j’aspirais, et que j’avais un peu trouvé; de la sérénité, de la douceur, oui surtout de la douceur.

Et si Chris Isaak vous appelait pour un duo ?
Ha ben je ne suis pas rancunière, je dis oui tout de suite!

Vous avez soutenu, en 2009, le rappeur Orelsan contre les Chiennes de Garde. Vous étiez alors l’une des rares femmes à le faire. Pourquoi ?
Je peux même dire que j’ai été la seule au début, mais c’était juste parce que les autres ne le connaissait pas encore 😉 Moi, il m’avait fait rire avec son premier buzz « suce ma b. pour la saint valentin », que j’avais envoyé à tous mes potes le jour de la saint valentin bien sûr ;-). Et je l’avais vu en live, ce qui m’avait donné du recul quand la polémique est sortie. Vous savez, la presse ne réfléchit plus trop aujourd’hui, elle cherche à faire parler, et ce mec là a été du pain béni pour tout le monde. C’était effarant ce phénomène de mouton « lynchons le! » sans essayer de comprendre, pourtant, on le sait qu’on peut faire dire tout ce qu’on veut aux choses sorties de leur contexte, et qu’internet est l’outil le plus pervers que l’homme ait inventé….. mais non, « lynchons le! »…. pour moi, on peut trouver ça drôle, ou pas, vulgaire, ou pas, raté, ou pas, mais pour moi c’était surtout le seul rapper avec autant d’humour, et surtout d’autodérision, le rappeur a plutôt du mal a rire de lui même en général… 😉
On vous a également vu sur scène à la Bastille lors de l’élection de F . Hollande. Était-ce important d’y être ?
Oui, je suis fondamentalement de gauche, mais aujourd’hui j’avoue que gauche où droite, personne n’ose aller vers la démondialisation, et pourtant, les conflits d’intérêts sont tellement flagrants entre l’être humain, et les monopoles toujours plus puissants…

Dans votre dernier album, « A l’eau de Javel », vous reprenez des standards des années 20, 30 et 40.  En quoi ces chansons étaient importantes pour vous ?
Et bien elles étaient drôles, tout en parlant des choses, aujourd’hui on ose plus parler de rien…les années 20 et 30 regorgeaient d’histoires de tous les jours, d’alcoolo, de putes, de gens qui veulent se suicider, de mecs qui trompent leurs femmes et vice et versa, et de personnages extrêmement réalistes à qui il arrivait des choses, et on en riait, pour dédramatiser la vie.. j’ai vraiment voulu rendre hommage à cette écriture extrêmement moderne, en leur donnant un nouvel habillage tout aussi fou…un espèce de « retour vers le futur » musical en quelque sorte 😉

Et cet album rompt également avec le précédent. Avez-vous toujours la volonté d’aller là où on ne vous attend pas ?
Non, j’essaie juste de suivre mon instinct,.

Comment avez-vous choisi les chansons de l’album ?
Je les connaissais déjà, et il y en avait quatre cinq, notamment « le tango stupéfiant » de Marie Dubas, que je devais absolument faire découvrir au public d’aujourd’hui, qui croit qu’il a toujours tout vu tout entendu… cette chanson extrêmement corrosive est l’équivalent d’un épisode d’absolutely fabulous, tout aussi choquant et drôle, sauf que cela a été écrit en 32!

On y trouve de la Pop, du R’n’B, de la Soul… Où sont vos limites, si tant est que vous en ayez ?
No limits!

Que pourra-t-on voir et entendre sur scène ?
Chut! Mais j’ai trouvé des musiciens qui ne rechignent pas à aller puiser dans leurs ressources pour que chaque concert soit unique, j’aime le côté « spike jones », un orchestre de tueurs, mais capables de faire les clowns, et je peux vous dire que je n’ai pas attendu C2C pour faire faire des pirouettes à un dj 😉

« Cheap Show » – « A l’eau de javel », la boucle est-elle bouclée ?
Pour le music hall, oui, je crois que j’ai pu « tuer » mes idoles, un lourd fardeau que d’être aussi imprégnée de ces Judy Garland, Bette Midler, Piaf, Marie Dubas, Mistinguett….cet hommage, surtout pas nostalgique, mais où j’ai poussé mon côté music hall à ses extrêmes, me permet peut-être maintenant de passer à autre chose…….suspens… 😉