Avez-vous remarqué que dès que l’on cause de l’Afrique, c’est aussitôt pour dénoncer tel ou tel fléau ? L’art contemporain n’échappe malheureusement pas à cette règle des clichés établis. Tenez, citez ne serait-ce qu’un seul artiste africain d’importance internationale ? Les plus intéressés d’entre vous citeront, évidemment, Ousmane Show et ses superbes sculptures monumentales. Mais encore ? Même Wikipédia serait en mal de vous filer un coup de main ! Bref, soulignons toute la pertinence de la prochaine exposition présentée au Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne Métropole consacrée à l’artiste Camerounais Barthélémy Toguo. De par son foisonnement, sa pertinence et son importance, Barthélémy Toguo est sans conteste l’une de voix contemporaines les plus percutantes du moment.

Né 7 ans seulement après l’indépendance de son pays, Barthélémy Toguo fait ses études à l’École des Beaux-Arts d’Abidjan en Côte d’Ivoire, puis à L’École Supérieure d’Art de Grenoble et à la KunstAkademie de Düsseldorf en Allemagne. Peu à peu, B. Toguo construit ses œuvres procédant par accumulations et travaillant autant la sculpture, la peinture que la vidéo, la photo ou la performance. Il crée ainsi des installations, sortes de petits théâtres personnels, sur des thèmes inspirés par ses voyages. On y retrouve certains éléments récurrents, notamment les références au clivage entre Occident et non-Occident. B. Toguo s’intéresse particulièrement aux flux de marchandises mais aussi d’êtres humains, et à leur régulation. Sa série de sculptures géantes en bois, « The New World Climax » porte par exemple des inscriptions telles que « carte de séjour » ou « the world of citizens », et fait référence aux individus qui apposent, ou non, le coup de tampon salvateur sur un passeport. Par la suite, B. Toguo travaillera autour de la présence de l’art en Afrique, et notamment au Cameroun. Il faut rappeler que le Cameroun ne comptait ni musée ni école d’art, avant que l’artiste ne décide de créer en 1999 l’Institute of Visual Arts à Bandjoun. En 2010, B. Toguo ouvre un atelier de création pour y accueillir des artistes, la Bandjoun Station. Lieu inédit en Afrique et berceau pourtant d’un important patrimoine artistique, ce « chantier culturel » imaginé par B. Toguo a pour vocation de créer des œuvres collectives monumentales et d’accueillir en résidence des artistes de toutes disciplines.

Le parcours de cette exposition, une première en France, sera ponctué d’œuvres multiformes qui mettent le visiteur face à son destin : « Devil’s Head », « Little Dreamer », « Purifications », « Ghost Tonight », « Torture in Guantanamo », « Time After Time », « Beyond The Sea » L’artiste lance un appel aux générations futures afin qu’elles sachent saisir leur destin, comme dans « Fantastic Voyage » gigantesque peinture dans laquelle l’artiste sublime son univers de peintre en rejoignant les traditions de la dynastie des rois d’Abomey qui avaient su lutter contre l’impérialisme occidental. On s’en rendra compte, son œuvre est d’une étonnante modernité et, parallèlement, d’un universalisme évident.
Musée d’Art Moderne – Saint-Etienne Métropole – A partir du 23 février