Au regard de l’histoire, je ne suis pas un français de souche. Je suis français parce que mes deux parents ont dû fuir leur pays d’origine pour survivre. C’est donc naturellement que je suis né en France et suis devenu français, entièrement, à la fin des années 70. La France a donc permis à ma famille, et maintenant à moi-même, de vivre dignement. Non sans contrepartie. Je n’ai jamais vu mon père profiter soit de l’assurance chômage et/ou maladie. Il aura été, toute son existence, un travailleur honnête. Je suis donc français. Un français d’origine étrangère. Même si ma langue maternelle n’a jamais été le français. J’ai eu l’occasion de faire mon service militaire, une longue, très longue année dans l’est de la France. Et jusqu’à aujourd’hui, j’ai participé, directement, à la naissance de plusieurs sociétés en France, créant de fait plusieurs emplois. Je pense donc contribuer, à ma façon (modestement j’en conviens), à la construction de ce qu’est cette France du 21ième siècle. Je me sens pleinement français, même si culturellement, j’ai la chance d’avoir une ouverture d’esprit vers l’extérieur dénuée de jugement ou d’a priori. Et, je l’avoue très honnêtement, il m’arrive rarement de supporter l’équipe de France de foot (et ce bien avant les événements d’Afrique du Sud), à laquelle je préfère celle qui représente la nation dont sont issus mes parents. Mon casier judiciaire est toujours vierge à ce jour et ma descendance, n’en déplaise à Éric Zemmour, porte des prénoms qui ne trouvent pas leurs origines ni dans la bible du terroir national. Et au final, je précise que je ne suis pas d’origine maghrébine. Je porte donc un regard à la fois intéressé et circonstancié sur l’histoire de la France.

Cela étant précisé, j’affirme haut et fort qu’effectivement j’ai honte quand je regarde la carrière de ce Gérard Longuet. Fils de militaire bien français, Gérard Longuet crée avec Alain Madelin, Claude Goasguen et Patrick Devedjian le mouvement d’extrême droite Occident à l’aube des années 60. L’Occident entendait alors défendre le modèle français contre l’envahisseur Communiste. En clair, les membres d’Occident cassaient du gauchiste. Avec une dizaine « d’amis », G. Longuet sera une première fois jugé en juillet 1967 pour complicité de « violences et voies de fait avec armes et préméditation » (un étudiant gauchiste de l’université de Rouen restera dans le coma…). Il va sans dire qu’au début des années 60, Gérard Longuet milite pour l’Algérie Française. Amnistié en 1968, G. Longuet participe ensuite à la création du GUD (Groupe Union Défense), groupuscule d’extrême droite caractérisé par sa violence. Il en écrira la charte. Puis en 1972, G. Longuet adhère au Front National et dont il rédigera le programme économique. Curieusement, à la fin des années 70, G. Longuet vire sa cuti et endosse la casquette libérale. Il est élu député et devient ministre sous le gouvernement Chirac en 1986. Il sera de la « Bande à Léo » (François Léotard), une poignée de quadras, destinés aux plus hautes ambitions…Inquiété pour le financement du Parti Républicain (créé par Fr.Léotard), J. Longuet est impliqué dans deux histoires judiciaires, la construction de sa villa à Saint-Tropez (recel d’abus de crédit) et l’affaire des marchés publics d’Ile de France (recel de corruption). Après différents épisodes juridiques (garde à vue, procès…), G. Longuet sera finalement blanchi grâce notamment à la loi d’amnistie de 1990. S’ensuit une petite traversée du désert jusqu’à sa nomination en février 2011 au ministère de la Défense avec la démission de Michel Alliot-Marie. Il sera élu au premier tour lors des dernières élections sénatoriales.

Outre ses successives tracasseries judiciaires, M. Longuet est l’auteur de faits éclairants la réelle nature du gazier : en 2010, il s’oppose à la nomination du socialiste Malek Boutih à la tête de la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité), prétextant « qu’il vaut mieux que ce soit le corps français traditionnel qui se sente responsable de l’accueil de nos compatriotes ». En juillet 2008 sur un débat autour de l’homosexualité, G. Longuet fait un lien direct entre homosexualité et la pédophilie en déclarant « C’est (…) réjouissant de savoir que l’on promeut de nouvelles formes de sexualité dans l’école et qu’on combat en même temps la pédophilie ». Enfin, il y a quelques jours seulement, en réponse à une demande du ministre algérien exigeant que la France reconnaisse les crimes du colonialisme (ce que l’on peut contester en effet), G. Longuet esquissera un joli bras d’honneur (qu’il ne reniera pas d’ailleurs). Alors oui, bien que non français de souche, j’ai honte qu’un tel type, une sorte de Bousquet des temps modernes (un modèle de réussite politique et administrative malgré un comportement de voyou d’extrême droite), ait pu être ministre et sénateur de la République. J’ai honte qu’un tel « repris de justesse» (comme dirait Coluche) puisse me représenter !