Une étonnante capacité à composer des mélodies évidentes, une carrière qui frôle le sans-faute, toute en sincérité, La Grande Sophie s’est définitivement imposée au sein du paysage musical français. Rencontre :

Je vous ai découvert avec « Et si c’était vous ». Depuis, je suis étonné par la facilité avec laquelle vous parvenez à composer des mélodies d’une grande fluidité. Comment composez-vous ?
Les mots et la mélodie me viennent ensemble. Je ne dissocie pas le texte de la musique. Pour moi une chanson, c’est un tout. J’enregistre régulièrement des bouts de phrase sur des airs et quand ils se rappellent à moi, je décide de les aboutir. J’ai l’impression que les chansons qui doivent éclore, finissent toujours par s’imposer à nous, quand c’est le bon moment. Elles marquent une étape de notre vie.

Dans vos textes, vous parlez de tout, de rien, et de vous, je suppose… Une forme d’autofiction ?
Je suis à la fois une grande observatrice mais aussi une grande rêveuse qui aime se perdre dans les méandres de mon imaginaire. Mais mes deux derniers albums sont ouvertement plus personnels ou plutôt devrais-je dire que je m’y livre sans filet. Dans « la place du fantôme », tout est mon histoire, de la première à la dernière chanson. Rien n’est anecdotique pour moi.

Vos débuts étaient plus Rock. Votre premier titre « Bye Bye Etc… » laisse augurer un rythme plus soutenu et puis, non… Redeviendrez-vous plus Rock ?
Je ne me pose pas ce genre de questions ! Ce n’est pas ce qui compte pour moi… Lorsque je pense un album, je cherche un son, un propos cohérent dans la forme comme dans le fond. Je me laisse guider par mon intuition puis je cherche, je fouille jusqu’à ce que j’obtienne quelque chose qui me ressemble.

Lorsqu’on vous écoute, tout paraît si simple (à écouter). Est-ce réellement le cas ? 
Pour moi, on ne doit pas sentir le labeur dans une chanson. Alors si c’est ce que vous voulez dire je le prends comme un compliment.

Un album, en moyenne, tous les deux ans. Un rythme qui vous convient ?
Je ne compte pas, je ne pose pas non plus ce genre de questions. Il m’est arrivé de tourner sans album, entre deux disques, ou de prendre plus de temps pour me ressourcer.

On vous voit peu en promo télé. Un choix de votre part ?
On ne peut pas dire que les émissions de musique live sont légions en télé…

Ne seriez-vous pas un brin nostalgique ?
Pas vraiment, non. Mélancolique sûrement, obsédée par le temps qui passe. Mais je n’aime pas faire étalages de ces côtés plus sombres, alors au contact de l’autre, par protection, j’adopte souvent une attitude légère. Je prends la tangente. Le reste est dans mes chansons.

On nous bassine avec les années 80 actuellement. Quelles ont été vos années 80 ? 
Mon apprentissage musical, mon 1er groupe, mes 1ères compos, mes 1ers concerts, ma première Gibson, une Marauder… Mais aussi l’horrible mode des jeans neiges, David Bowie avec « Let’s dance », le meilleur et le pire de la musique… Ma playlist spontanée de ces années-là est « amoureux solitaires » d’Elli et Jacno chantée par Lio, « In between days » des Cure, « Marcia Baila » Rita Mitsouko, Luna Parker avec  » Tes états d’âme », Kazéro, Visage « fade to Gray « , Kajagoogoo, les Pretenders, Madness, Talk Talk. Et finalement tant d’autres…

Les années passent, votre voix ne change pas. Le travail… ?
Le sommeil, j’ai cette capacité à m’endormir partout, ce qui est un luxe pour l’entretien de la voix ! Mais surtout, je l’utilise plus et peut-être mieux. J’ai arrêté de la « brider ».

2009 aura été l’année de la reconnaissance, enfin ?
Disons que les deux derniers albums ont eu de beaux accueils des journalistes. je ne boude pas ce plaisir, vous vous en doutez… Il y avait déjà eu quelques années avant les Victoires de la Musique en 2005.

Que vous apporte la scène ?
Elle me permet de vivre pleinement l’instant présent. Et puis d’être en contact avec l’autre car, étant solitaire et plutôt timide, je pourrais rester dans ma bulle. C’est un de mes moyens de communication : je m’y livre, je m’y amuse, je prends des risques, j’essaie de surprendre et je me laisse surprendre. C’est un pivot essentiel de ma vie, plus qu’un besoin, une nécessité.

Avec l’expérience, aborde-t-on la scène de la même façon ?
Disons qu’on essaie de ne pas reproduire les mêmes erreurs. Que l’expérience aidant, on peut se sortir de situations parfois périlleuses ou trouver plus vite ses repères. On élabore un spectacle, on le répète, le structure, bref on essaye de penser au moindre détail comme pour fixer quelque chose qui sera reproduit parfois des centaines de fois et pourtant tous les soirs sont vraiment différents. C’est tout le paradoxe des tournées. Mais au-delà de cela, la scène, comme je vous le disais, c’est vital pour moi. Un plaisir infini que j’ai envie de communiquer.

Peut-on faire votre métier tout en restant « normale », comme notre président ?  
Qu’est ce que la normalité ? Un sujet philosophique? J’essaie d’être moi avant tout, c’est déjà beaucoup !

Craignez-vous, un jour, de faire votre âge ?
Je suis parfaitement lucide vous savez !

Vous étiez partie pour les Beaux-Arts. Pas de regret ?
Non. J’ai fait deux ans aux Beaux-Arts qui ont été des années très enrichissantes où j’ai ouvert le champ de mes connaissances. Mais ma voie était ailleurs.