Une moquette grise et rase ouvre sur un bureau laqué épuré. Au milieu trône un distributeur d’eau qui remplace ici la machine à café. Le mur est tapissé d’un fond de scène, une forêt sur papier glacé. L’illusion est grossière, c’est vrai. Mais qui n’a pas fréquenté d’endroits aussi impersonnels que déshumanisés ? On le sait le monde du travail, et l’entreprise par extension, est régi par ses règles et ses codes auxquels on ne peut échapper. L’augmentation s’apparente à un rite initiatique qui témoigne justement de ces codes et de ses règles intangibles. Une augmentation ne s’obtient pas, elle se demande toujours, elle se conquiert même par la force ou la négociation. Et pour jouir d’une augmentation (de salaire, cela s’entend), il y a tout un chemin à parcourir.

Un long couloir intimidant percé de trous : il faut en premier lieu que la secrétaire du chef de service soit là, et de préférence qu’elle soit de bonne humeur. Ensuite, il faut que le chef de service, lui aussi, soit là et disponible pour un entretien. Il est préférable qu’il soit, lui aussi, de bonne humeur… Ensuite, il faut qu’il entende quand on frappe, qu’il dise d’entrer, que, proposant ou non un siège, il écoute, qu’il se laisse convaincre, qu’il concède l’augmentation. Deux fonctionnaires se débattent comme ils peuvent dans ce décor glauque. Georges Pérec, véritable acrobate virtuose de la langue, triture les rythmes, l’auteur s’intéresse à une question brûlante : obtenir du patron d’abord un rendez-vous, une augmentation ensuite. Drolatique mais effrayant. Anne-Laure Liégeois, directrice de la compagnie le Festin, revisite ce texte de Georges Pérec, une pièce écrite à la fin des années 60 qui n’a pris aucune ride. Cela en est même stupéfiant !
L’Usine – Comédie de Saint-Étienne
 Du lundi 3 au jeudi 6 décembre