Journaliste et écrivain Israélien, Gideon Levy a écrit un intéressant article dans « Haaretz », grand quotidien de Jérusalem, quelques jours avant que les esprits ne s’embrasent à nouveaux dans la Bande de Gaza, entraînant la mort de plusieurs victimes innocentes (comme toujours et de part et d’autre d’ailleurs). Dans cet article traduit par l’excellent « Courrier International », Gideon Lévy évoquait la tranquillité relative qui régnait alors en Cisjordanie. Selon lui, encore traumatisée par l’issu et l’échec terribles du second Intifada, la jeunesse palestinienne semblait pour le moins sonnée par la répression de l’armée israélienne largement validée par l’opinion publique de l’État hébreu. Plus loin dans son article, G. Lévy notait même que l’armée israélienne, sûre de son droit, « continuait de fouler aux pieds, les accords d’Oslo » et que les colons israéliens ne manquaient pas d’affirmer leur « domination » sur leurs voisins palestiniens. L’auteur concluait en regrettant qu’aujourd’hui encore « 2 millions d’êtres humains fussent privés de leurs droits civiques et fondamentaux, sans émouvoir l’opinion israélienne ». Mais derrière ce statu quo relatif, l’auteur voyait un avenir bien plus pessimiste… Pour cause !

G. Lévy n’ignorait pas, en effet, que le premier ministre israélien B. Netanayou était prêt à tout pour assurer sa prochaine réélection. Ce dernier a bien compris, devant l’inaction des Européens préoccupés par leur survie économique, et l’incapacité absolue de B. Obama de faire quoi que ce soit contre lui, qu’il restait le seul maître à bord. C’est lui qui distribue le jeu et qui dicte ses règles. Ainsi a-t-il décidé d’éliminer le responsable militaire du Hamas, Ahmed Jaabri. Sans aucune forme de procès. Car la loi lui permet toutes les folies. Il en est parfaitement conscient. D’ailleurs, personne ou presque ne s’est élevé contre cet assassinat (faut-il rappeler que le Hamas a été désigné à l’issue d’un processus électoral ?…). Ahmed Jaabri avait-il les mains sales ? Peut-être… mais d’après Gershn Baskin, négociateur Israélien de la libération du soldat Gilad Shalit, Ahmed Jaabri était sur le point d’accepter un accord secret pour une trêve permanente (cherchez l’erreur !). Ces éliminations préventives de l’armée Israélienne défient tout principe de droit international. Mais la perversité de ce gouvernement Israélien et de son armée est encore plus grande. Non content de s’affranchir de tout principe de droit, ils ont décidé, pour la première fois dans l’histoire, d’utiliser Internet pour médiatiser leur action. En effet, pour la première fois, un gouvernement utilise Internet à des fins politiques. Le 14 novembre dernier, plus d’une soixantaine de tweets ont été ainsi envoyés depuis le compte tweeter de l’armée israélienne pour détailler son action et ses résultats probants : l’élimination filmée en direct, puis diffusée sur tous les médias internationaux, de A. Jaabri par un drone. Grâce à cette maîtrise militaire et technologique que personne ne peut nier, l’armée israélienne, mise au service tout entier de son premier ministre, entend faire démonstration de sa supériorité, et au final, de son invincibilité. Ce qui n’est pas loin d’être faux d’ailleurs. Depuis quelques décennies déjà, une partie de la classe politique de l’État hébreu a bien compris l’intérêt qu’elle avait à entretenir ce climat de haine, de peur et de paranoïa entre les populations palestiniennes et israéliennes.

Tous les gouvernements, à l’exception peut-être des quelques illuminés provenant des Pays du Nord de l’Europe, n’ont cessé de jouer avec la paranoïa. La France (surtout le gouvernement précédent) a agi de la même façon avec l’Islam, les États-Unis avec le terrorisme (et avant le Communisme), l’Espagne avec l’ETA, l’Angleterre avec l’IRA, l’Italie avec les Brigades Rouges… Nous avons tous besoin d’un ennemi et bouc émissaire afin de focaliser nos craintes, nos peurs et nos désespoirs. Un peuple qui vit dans la peur est d’autant plus malléable et manipulable. C’est une évidence historique. D’ailleurs les premiers sondages réalisés en Israël après ces premiers jours d’intervention militaire dans la bande de Gaza montrent la montée des intentions de votes de la population en faveur du parti de B. Netanyaou. C.Q.F.D. Cependant, il y aura bien un jour, lointain peut-être, où l’on reconnaîtra les atteintes répétées toutes ces années durant portées au peuple palestinien (car il n’est ici question que du peuple palestinien). Les Israéliens, dit-on, n’aspirent qu’à vivre dans la paix, au sein d’un pays sûr et respecté. Il n’y a rien de plus légitime. Pourtant, ce rêve des pères fondateurs de l’État Hébreu, totalement justifié au regard de l’Histoire, ne peut se construire sur le dos d’un autre peuple. Car, génération après génération, les Palestiniens, véritables cocus de l’Histoire, vivent et meurent dans la « négation même de leur existence ». On sait que tout a une fin. Cette injustice aura une fin et alors il sera temps d’en dégager, au regard de cette même Histoire, les responsabilités de chacun.