Pour toute une génération et pour bon nombre d’entre nous, les Inconnus ont révolutionné l’humour à la télé. Depuis le retrait du trio, Pascal Légitimus poursuit une belle carrière sur les planches, en solo. Rencontre à l’occasion de la présentation de son second « one-man-show », en mars dernier lors du Festival des Arts Burlesques de Saint-Étienne.

Vous êtes, depuis le mois de janvier, en « tournée de rodage » pour ce nouveau one-man-show. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce rodage ?

Ce n’est pas tout à fait du rodage, je m’explique. Quand on écrit, on est tout seul devant sa feuille blanche, on se fait rire soi-même. Mais à un moment donné il faut un écho à son texte. L’écho le plus proche, c’est la famille, c’est les copains. Puis, il faut entendre le public. Donc, il faut jouer. On ne sait pas forcément où le rire va tomber. Ce n’est qu’à ce moment qu’on reçoit l’écho du public. On peut se satisfaire et se dire « ça marche, ça fonctionne et j’avance step-by-step ». L’humour possède une dimension presque scientifique. Si les gens ne rient pas ou ne vous applaudissent pas, c’est un échec. C’est un vrai risque que de présenter son texte devant un public… Pour moi un spectacle reste quelque chose de très vivant. Il bouge constamment et il bougera jusqu’à la fin, même au bout de deux ans de scène. Un exemple, dans le spectacle, je dis « c’est pas la nature qui décide si on va naître dans une famille de juifs, de catholiques, de musulmans, ne nous voilons pas la face ». Quand je dis cette phrase, j’ai un timing particulier. Si je le dis et que j’attends, les gens doivent intégrer la première partie. Si je colle tout, les gens ne vont pas comprendre. Parfois, des gens ne comprennent pas le sens parce qu’ils n’ont pas « la culture ou notre esprit ». Et ce n’est pas parce qu’ils ne comprennent pas que ce n’est pas drôle. Je pourrai me dire « c’est pas drôle alors j’enlève ». Non car le lendemain, si je le rejoue, le public pourra éclater de rire et dire « bravo, c’est intelligent ». Alors, je prends des notes puis j’intègre ces réactions du public. Ce n’est pas tant du rodage, mais c’est un spectacle vivant tout simplement.

Comment se déroulent ces représentations de « test » ?

En général, c’est au bout de deux mois qu’un artiste peut se dire « le spectacle commence à bien marcher ». Pour ce spectacle, au bout de dix représentations, il était déjà calé. Les gens me disaient « Mais t’es pas en rodage, on dirait que le spectacle est déjà rodé. » Oui, mais j’ai beaucoup travaillé en amont, le spectacle a déjà une heure en béton très solide sur une heure et demie. Après, il y a des choses que je vais affiner parce que j’ai encore quelques sketches à rajouter en fonction de l’actualité et puis j’ai d’autres idées. Il y a des choses que je vais déplacer ou enlever. Pour l’instant, ça se passe très bien. Les gens rient beaucoup, mais en même temps c’est un spectacle qui incite à la réflexion. Les gens partent toujours avec un bagage et se disent « Ah ouais, ça m’a fait réfléchir, ce n’est pas que drôle. »

Comme lors de votre précédent spectacle solo ?

Le premier spectacle était plus personnel. Les gens étaient beaucoup plus touchés émotionnellement. Même si les gens riaient beaucoup, le public parlait plus des moments d’émotion que de l’heure et demie où il s’était marré.

Dans votre premier spectacle solo, « Alone Man Show », vous traitiez de faits très personnels. Que vouliez-vous raconter dans ce nouveau spectacle ?

Dans le premier spectacle, je me dévoilais et dans le nouveau, je dévoile les autres. C’est-à-dire que j’appuie là où ça fait mal. C’est un peu comme les conférences TEDx (des conférences disponibles sur internet appelant à l’ouverture et à la tolérance – N.D.L.R.) c’est un échange et j’apprends des choses au public. J’ai des points de vue également. Je parle par exemple de la sexualité, de l’infidélité, mais à travers ce qu’il se passe à l’intérieur. Je parle des spermatozoïdes…, donc je joue les spermatozoïdes. Je joue la baston qui se déroule à l’intérieur du vagin de la femme. Mais j’essaie de ne jamais être vulgaire. C’est une métaphore et les gens rient parce qu’ils s’imaginent alors cette baston. C’est un spectacle qui ne ressemble pas aux autres. C’est un peu l’ADN des Inconnus, avec qui j’ai toujours joué des personnages.

Comment est né ce nouveau spectacle ?

Pour mon premier one-man-show, j’ai fait une sorte de psychanalyse, ce que j’appelle une « biogravie ». C’est mon métier de capter, de boire comme une éponge, d’observer puis de retranscrire. Il y a quelques jours, j’étais dans le TGV, j’ai écrit quatre vannes que j’ai testées le soir même. Elles ont marché, je les ai gardées. C’est juste que, je vous observe vous, je regarde les gens. Quand on mange, on fait caca après. Ça ressort donc, soit on l’utilise pour l’engrais pour la terre ou ça part dans les égouts. Et bien moi j’utilise l’engrais pour la terre [rires].

Pourquoi choisir le one-man-show pour présenter ces nouveaux personnages et raconter ces nouvelles histoires ?

J’ai des choses personnelles à dire, des choses qui ne peuvent être traduites que par ma bouche. Ça ne peut pas être traduit dans le cadre des Inconnus ou dans un film ou dans un livre ou un téléfilm. Ça ne peut être que dit en direct. Sur scène. Comme je suis un acteur, j’utilise ce moyen d’expression différent. Je pense que les humoristes ou les acteurs qui font rire disent tous à peu près la même chose. Sauf que c’est la manière et la forme qui changent.

Ce spectacle est-il un clin d’œil aux Inconnus, la scène à trois vous manque-t-elle ?

Comme je l’ai souvent dit, les Inconnus, c’est mon ADN. Il y a des allusions, des petites phrases comme ça, c’est empreint de tout ça. Mais ce n’est pas l’essentiel. À un moment, je fais une infirmière pendant une minute. Je ne vais pas faire une infirmière lambda, je vais faire une Marie-Thérèse. Les gens applaudissent, ils sont contents. C’est un spectacle complice. Je n’ai pas commencé par le one man mais les gens me connaissent d’avant. C’est pour ça que je n’ai pas de titre pour le spectacle. J’ai la chance que les gens me connaissent. Ils se disent « bon alors lui, il va nous faire rire », mais les gens ne savent pas de quelle manière. Personnellement, la scène à trois me manque mais je répondrai comme je réponds à chaque fois : il faut demander à Bernard Campan, c’est lui qui a la clé.

Pour votre premier spectacle, vous aviez fait appel au metteur en scène, Gilles Galliot. Pour celui-ci, vous travaillez avec Rémy Caccia…

Ce sont deux énergies très différentes. Gilles Galliot, c’est vraiment un metteur en scène de théâtre, un scénographe, un auteur. Il sait diriger les comédiens. Rémy Caccia, c’est plus un auteur de stand-up. Il a mis en scène Anthony Kavanagh, Christelle Chollet, Julien Courbet. C’est aussi un bon directeur d’acteur. Il sait quand ce n’est pas bien et il va trouver des solutions. C’est plus un technicien, un architecte du one-man-show. Il est créatif, quand quelque chose ne va pas il me le dit et le lendemain il me trouve une solution. Un exemple, il y avait un sketch qui était en cinquième position, il l’a mis en deuxième. Et ça a fonctionné. J’ai ce besoin d’un regard extérieur. Parfois, on peut avoir un ego et être aveuglé par quelque chose que l’on croit drôle mais qui en fait ne l’est pas. Ou alors il faudrait que je me filme avant. Philippe Caubère faisait ça. Il filmait toutes ses répétitions et faisait après le metteur en scène. Du coup, il a construit ses vingt-cinq heures de spectacle comme ça au fil des ans. Moi, j’aime bien le partage, la réflexion autour d’une table.

Votre premier spectacle était total, avec musiques, vidéos, mimes, émotions…, est-ce toujours le cas ?

Ce sera également le cas mais de manière différente. Il y aura un sketch très intime et émotionnel, mais aussi très démagogique. Il y aura de la danse. Je suis en train d’écrire un sketch visuel qui va faire trois minutes à peu près et qui sera sûrement prêt en avril.

Vous avez interprété de nombreux personnages tout au long de votre carrière, y en a-t-il un qui sort du lot ?

Un sketch c’est un peu comme un enfant. On aime ses enfants. Avec les Inconnus, il y avait une vraie complicité, chacun apportait sa touche et son point de vue… Alors il y a des sketchs que j’aime bien mais on en a fait plus de trois cents alors… on va dire que j’aime bien la carrière des Inconnus [rires].

Êtes-vous plutôt Franky Vincent ou Charles Aznavour ?

Je suis plutôt Charles Vincent. Ou Franky Aznavour. Franky Vincent c’est un amusement. Sans le vexer, je préfère la profondeur d’Aznavour.

Si vous deviez présenter votre spectacle en trois adjectifs ?

Ça fait un peu prétentieux, non ? En tout cas, c’est déclencher un rire toutes les trente secondes, ça, c’est sûr. C’est mécanique, les gens rient beaucoup puis parfois, ils sont surpris. C’est un spectacle intelligent, je l’espère, dans le sens où il y a une ouverture d’esprit. Drôle. Et kiffant, pour faire un truc de djeun’s [rires]…

Abordez-vous les sujets politiques ?

Je fais des allusions, parce que la politique c’est quand même un beau panier de crabes… Ce n’est pas intéressant en tant que tel, la politique. C’est une chose fermée avec des personnes qui nous représentent mais qui font des choses qui vont à l’encontre de ce que veulent les gens. On se situe plus dans une oligarchie que dans une démocratie. On n’a pas demandé mon avis pour aller en Syrie pour taper sur des mecs, j’étais contre. Or, tout le monde le sait, nous y sommes allés pour le business, en fait. On nous ment tous le temps. C’est pour ça que les artistes sont utiles. On est gouverné par le mensonge. Dans ce qu’on mange, il y a du mensonge, dans l’industrie pharmaceutique, il y a du mensonge… Il ne faut pas être naïf. Donc, j’estime qu’on a le droit d’éveiller un peu les gens pour qu’ils soient moins naïfs. Et qu’ils soient plus heureux. Les gens ne sont pas plus heureux qu’au Moyen-Âge alors qu’on est en 2016, c’est grave.

Après votre tournée hexagonale, quels sont projets ?

Je serai plutôt mono tâche jusqu’à l’année prochaine parce que j’ai une autre tournée d’une quarantaine de dates dans des grandes salles parfois. J’ai un film qui sort le 1er juin, « La Loi de la Jungle » réalisé par le réalisateur de « La Fille du 14 juillet », Antonin Peretjako. Il s’agit d’un petit film très drôle, à la Tati. C’est avec Mathieu Amalric, Vincent Macaigne et Vimala Pons. C’est l’histoire d’une société qui veut construire une station de ski en Guyane. C’est un sujet absurde. J’ai un rôle sympa. Je fais le chef de chantier de Guyaneige. Je pense que ce film ira même à Cannes parce qu’il est assez réussi, je crois. Enfin, j’ai un téléfilm, « Rose et le soldat », diffusé sur France 3. Il parle du nazisme aux Antilles pendant la période 39/45. Parce qu’on a aussi connu ça là-bas…