Je me souviens être tombé sur « Boumkœur », un peu par hasard grâce au nom de son auteur, Rachid Djaïdani. C’était au début des années 2000 et tomber sur un livre écrit par un jeune français d’origine arabe relatant le quotidien d’une cité n’était pas une chose banale. Petit, concis, cruel et brutal, « Boumkœur » se lisait comme un polar des cités. L’auteur, R. Djaïdani, boxeur de très bon niveau, avait découvert le milieu du cinéma en intervenant comme vigile sur un film de cité, « La haine » réalisé par un jeune metteur en scène ambitieux, Mathieu Kassovitz. Cette découverte de ce monde un peu magique le propulse dans le milieu du cinéma où notre homme décroche quelques petits rôles forcément marqués (« Ma 6T va crack-er » ou dans la série « Police district »). Mais c’est grâce à ce premier romain percutant que notre jeune homme (il est alors âgé de 25 ans !) va se construire une petite notoriété. Plus tard, R. Djaïdani réalisera, pour le compte de France 4, deux documentaires autour de sa découverte du Texas et de la Russie en mobylette. On imagine bien notre lascar sur les terres de G. Bush ou de V. Poutine avec sa gueule de métèque !

Fort d’une légitimité acquise, R. Djaïdani peut enfin s’atteler à son vrai projet, celui qu’il porte depuis toujours, « Rengaine » présenté au dernier festival de Cannes. « Rengaine » relate l’histoire d’amour qui unit Dorcy, un jeune black chrétien et Sabrina, une jeune maghrébine musulmane. Ni plus, ni moins. Or, il est un tabou parmi tous les tabous, les noirs ne se marient pas avec les arabes, les arabes ne se marient pas avec des noirs. Qui plus est, lorsqu’ils ne sont pas de la même religion. Intrépide, R. Djaïdani ose montrer que parmi les populations les plus discriminés règne également une forme de racisme. Car, au fond, on n’est tous le raciste de quelqu’un d’autre. Bien entendu, pour Slimane, le grand frère aîné de Sabrina, ce mariage est tout simplement inconcevable. Mais nos Roméo et Juliette des cités parviendront-ils à dépasser tous ces clivages, religieux, ethniques ou sociaux ? Salué à Cannes par une critique très positive, « Rengaine » apporte un regard nouveau autour de ces problématiques rarement abordées par le cinéma français. Pas moins de 9 années auront été nécessaires à R. Djaïdani afin de réaliser le film qu’il a toujours eu en tête (précisons que le réalisateur a travaillé sans producteur, ou plutôt qu’il a été le seul producteur de son film !). Autant dire que ce premier long métrage est tout sauf anodin !
Un film de Rachid Djaïdani
Sortie le 14 novembre